Mois Année
"Découvrons la Galilée
avec Mozart"
Mai 2022
Don Giovanni
ossia « Il Dissoluto Punito »
Dramma Giocoso en 2 actes
Livret Lorenzo da Ponte
Création 29 Octobre 1787
« Les années ont passé. Le petit Cherubino a quitté les Almaviva pour s’établir dans son propre domaine, vers Séville. Il est devenu le grand Don Giovanni. Grand par l’appétit comme par le rôle qu’il tient en ce monde : cet homme radieux qui ment comme il respire, qui tue comme il aime, avec insouciance, qui ne doute jamais – jusqu’au jour où une statue lui parle »[1].
L’action peut commencer !
PERSONNAGES :
Don GIOVANNI (Alexandre Duhamel) ; LEPORELLO (Robert Gleadow) : Donna ANNA (Iulia Maria Dan) ;
Donna ELVIRA (Arianna Vendittelli) ; ZERLINA (Chiara Skerath) ; Don OTTAVIO (Julien Henric)
MASETTO & IL COMMENDATORE (Callum Thorpe).
Les Musiciens du Louvre-Grenoble, Direction Marc Minkowski.
Mise en espace Romain Gilbert.
Ouverture
Mozart avait quasiment terminé la composition de son opéra lorsqu’il écrivit l’ouverture chez ses amis les Dusek, à Prague où la première aura lieu. Bien qu’elle reprenne certains thèmes de l’opéra, l’ouverture n’est pas un résumé de l’action comme on l’a souvent dit. Elle oppose d’emblée par son tempo obstiné le drame du châtiment, de la damnation[2] de Don Giovanni à la course effrénée de l’impétueux séducteur motivé par la seule recherche du plaisir.
Acte I
A la nuit tombée, Leporello, le valet de Don Giovanni monte la garde devant le palais du Commandeur dans laquelle son maître est entré pour séduire sa fille Donna Anna. Il se lamente sur sa condition : « Nuit et jour se fatiguer pour qui n’en sait aucun gré, ... je veux faire le gentilhomme et ne veux plus servir » (introduction : « Notte e giorno faticar »)
Soudain, Anna apparaît en furie, poursuivant Don Giovanni qui cherche à dissimuler son visage ; entendant ses cris, son père, accourt et provoque le séducteur en duel, qui le blesse mortellement « Au secours ... l’assassin m’a blessé, je sens mon âme s’en aller » (Trio : « Ah soccorso ! »).[3]
Don Giovanni s'enfuit. Anna est en état de choc, elle a reconnu le cadavre de son père et s’évanouit. Ottavio, son fiancé, est accouru pour la réconforter alors qu’elle reprend conscience. Tous deux jurent de venger la mort de son père « Ah ! jure à jamais de venger ce sang si tu le peux... Je le jure à notre amour... Quel serment, Ô Dieux » (Récitatif et Duo « Che giuramento, oh Dei »).
La chasse est ouverte ! Déjà en quête d’une nouvelle aventure, Don Giovanni et Leporello rencontrent au petit matin Donna Elvira qu'il a séduite autrefois puis abandonné. « Chut ! il me semble sentir comme une odeur de femme » dit Don Giovanni... « Quel parfait odorat ! » pense Leporello en aparté.
Donna Elvira, est dévastée par sa trahison « Ah! qui me dira jamais où est ce barbare que pour ma honte j’ai aimé ? » (Aria « Ah, chi mi dice mai ! ». Mais Don Giovanni ne la reconnaît pas immédiatement et tente d'engager la conversation. L'ayant reconnue, il s'enfuit, la laissant à Leporello, qui tente de la consoler en lui présentant la liste des conquêtes de son maître « Petite Madame, voici le catalogue des belles qu’a aimées mon maître » (Aria : « Madamina ! »)[4]. Elvira fait vœu de se venger.
Plus tard dans la matinée, Don Giovanni tombe sur un mariage de village Zerlina doit épouser Masetto (Duo avec Chœur « Giovinette che fate all’amore »). Don Giovanni tout émoustillé repart à la chasse, Zerlina lui plaît. L'occasion est trop belle, le séducteur passe en force pour rester seul avec Zerlina. Masetto s’insurge, Don Giovanni le menace « Si tu ne pars pas de suite, tu t’en repentiras ». Masetto s’incline avec amertume « J’ai compris oui monsieur ! » (Aria : « Ho capito, signor si ! »). Débarassé de Masetto Giovanni passe à l’attaque tente de séduire Zerlina avec des arguments doucereux. S’ensuit une déclaration d’amour dans laquelle Don Giovanni promet la lune à la jeune Zerlina « Là-bas nous nous donnerons la main, là-bas tu me diras oui, ... Je changerai ton sort... » (Duettino « La ci darem la mano »)[5]. Tout est feint mais avec un tel savoir-faire... que Zerlina d'abord hésitante est vite conquise.
Mais l’arrivée impromptue d’Elvira interrompt net la tentative de Don Giovanni. Elle entraîne Zerlina avant qu'elle ne cède et lui recommande de fuir le traître (Aria « Ah, fuggi il traditor »). Puis, elle met en garde Donna Anna et Don Ottavio venus requérir l’amitié de Don Giovanni, contre celui qui l'a abandonnée et qu’ils n’ont pas encore reconnu « Ne te fis pas, malheureuse à ce cœur scélérat, à ce barbare qui m’a déjà trahie et qui veut te trahir aussi ». Don Giovanni répond à ses reproches en essayant de la faire passer pour folle « ... la pauvre fille est folle mes amis », sans parvenir à convaincre ses interlocuteurs qui commencent à avoir des doutes (Quatuor : « Non ti fidar, o misera. » Après son départ, Donna Anna pense avoir reconnu dans « l’adieu / addio » de Don Giovanni l'assassin de son père et raconte à Ottavio l'agression (Récitatif avec orchestre et aria « Don Ottavio ... son morta ! »)[6].
Nous voici maintenant dans le jardin du palais de Don Giovanni. Dans un récitatif, Leporello vient rendre compte à son maître ce qu’il a fait de Mazetto et d’Elvira. « Bravo, bravo, archibravo ! » Don Giovanni, ravi le charge d’organiser une fête « Afin qu’ils aient par le vin la tête échauffée, fait préparer une grande fête. Si tu trouves sur place quelque fille essaie de l’amener avec toi...Je veux faire l’amour, à ma liste demain matin, d’une dizaine tu dois l’accroître » (Aria « Fin ch’han dal vino »)[7]. Plaisirs et réjouissances seront au menu d’un bal masqué auquel
Masetto, Zerlina, sont invités. Mazetto est ulcéré d’avoir été écarté par Leporello. Il ne sait ce qui s’est au juste passé entre sa fiancée et il « cavaliero ». Zerlina s’éfforce de l’attendrir « Tu peux me battre mon beau Mazetto, je resterai comme une agnelle... heureuse je saurai ensuite embrasser tes petites mains... paix paix ô ma vie » (Recitatif et aria « Batti, batti, o bel Mazetto »).
C’est le grand final du premier acte. On arrive à un tournant de l’action.
Don Giovanni n’a pas renoncé à séduire Zerlina qui a essayé de se cacher dans un bosquet. Il l’a aperçue « Zerlina ma charmante je t’ai vue, ne t’échappe pas... je suis tout amour, je veux te rendre heureuse ». Ces paroles sont compromettantes, la pauvre Zerline est torturée. Mais l’entretien tourne court car Mazetto vient de surgir « Mazetto ? - Oui Mazetto ! ». Don Giovanni réussit à sortir d’une situation embarrassante. Les deux hommes ne s’affronteront finalement pas. Ils sont rattrapés par la fête « Allons tous les trois danser avec les autres ».
Don Giovanni l’ignore encore, Anna, Elvira et Ottavio arrivent masqués. Ils ont conçu le projet de s’introduire dans la place à la faveur du bal. Nos trois masqués expriment leur fièvre et leur inquiétude sur l’issue de leur entreprise « Il faut avoir du courage ... Notre amie à raison ... La chose est périlleuse ». Un menuet nous rappelle que le bal va ouvrir. Leporello attire l’attention de Don Giovanni sur les charmantes dames masquées. Celui-ci les invite...
Nous nous retrouvons maintenant dans la salle de bal. La gaité sonne faux, on sent poindre l’orage. « Avancez donc jolies dames masquées » intervient Leporello ! « C’est ouvert à tous, vive la liberté !» renchérit Don Giovanni.
Tandis que Leporello attire l'attention de Masetto, Don Giovanni conduit Zerlina à l'extérieur. Lorsque Zerlina appelle à l'aide « Secourez-moi ou je suis morte ! ». Anna, Elvira, Ottavio et Mazetto accourent « Nous sommes ici pour ta défense ».
Don Giovanni, qui est momentanément surpris pousse alors Leporello avec son épée, et l'accuse d'avoir voulu séduire Zerlina « Voici le coquin qui t’a offensée ... Meurs inique ! ».
Anna, Elvira et Ottavio retirent leurs masques, se découvrent et accusent Don Giovanni « Le criminel par de telles ruses croit dissimuler son crime ... Tout est déjà connu, tremble scélérat ... Entend le son de la vengeance, sa foudre tombera. »
La confusion règne dans la tête de Don Giovanni qui va inexorablement vers son destin funeste :
« Tout est confus dans ma tête,
Je ne sais plus ce que je fais
Et une horrible tempête,
Oh Dieu me vient menacer !
Mais le courage ne me manque pas,
Je ne suis ni perdu ni confondu.
Quand bien même basculerait le monde,
Rien jamais ne me fera peur. »
[1] Cf. commentaires d’Ivan Alexandre metteur en scène de la production originale avec Marc Minkowski reprise à Versailles, à Bordeaux à Barcelone et les 24 et 25 juillet prochain à Akko dans la mise en espace de Romain Gilbert.
[2] Le film de Joseph Losey suggère bien dès l’ouverture le châtiment final par le tournage en partie devant les fours incandescents d’une verrerie de Murano.
[3] Magnifique trio (Anna, Giovanni, Leporello) où l’on sent la fuite de la vie, le sang qui s’écoule de la blessure fatale.
[4] Cet air appelé « air du catalogue » dans lequel sont énumérées les conquêtes de Giovanni (640 en Italie... 1003 en Espagne, des comtesses, des baronnes, des marquises, des princesses, des blondes, des brunes, des maigres, des grosses, jeunes, vieilles...) est souvent chanté comme un air de bravoure. Il l’est mais il requiert aussi de grandes qualités d’acteur.
[5] C’est le merveilleux duo, sans doute le plus connu.
[6] Dans la version ultérieure pour les représentations viennoises de 1788 Mozart ajoutera un air pour Don Ottavio « Dalla sua pace... » par lequel, laissé seul, il exprime sa communion avec Anna « De sa paix dépend la mienne ... Si elle soupire je soupire aussi ... »
[7] Tout le destin de Don Giovanni est ici résumé dans ce besoin d’épuiser l’inépuisable.