Mois Année
"Découvrons la Galilée
avec Mozart"
Février 2021
Léopold Mozart, le père biologique
Joseph Haydn, le père spirituel ?
Ière Partie
Si Léopold Mozart (1719-1787) est le père biologique de Wolfgang Amadeus, Franz Joseph Haydn (1732-1809) en est-il le père spirituel ? C’est ce que nous chercherons à découvrir dans cette septième lettre et dans la prochaine.
Attardons-nous d’abord sur le géniteur, son apport, son autorité, ses rapports complexes avec son fils tels qu’ils ressortent de leurs échanges, surtout à partir de 1777.
I - Les tribulations de Wolfgang sous l’autorité de Léopold.
Sont représentés sur cette estampe[1]: assis au clavecin, Wolfgang, le fils et l’élève ; Léopold Mozart[2] y figure debout au violon, il est le père, le maître, il sera son professeur son confident et son agent...
Léopold est le premier musicien de la lignée. Son père est relieur. Plus en amont, ses aïeux sont maçons du côté paternel ou d’origine paysanne du côté maternel. Après trois années au service du Comte Thurn und Taxis, il est engagé en 1743 par le prince-archevêque de Salzbourg[3], d’abord comme quatrième violon. Promu au rang de maître de violon en 1744, son activité de compositeur lui vaut d’être nommé compositeur de la Cour en 1757. Il devient en 1763 vice-kapellmeister.
Bien qu’il soit déjà connu de son temps et qu’il laisse de nombreuses compositions dans tous les genres musicaux (sonates, concertos, symphonies, opéras...), Léopold est très loin du génie de son fils. Parmi ses œuvres les plus connues il y a de nombreuses œuvres d’église et beaucoup de musiques de scène, de circonstance, divertissements, turquerie, danses, menuets...
La Symphonie des Jouets, reste une des œuvres de Léopold la plus souvent mentionnée si ce n’est la plus souvent jouée. Cependant, longtemps attribuée à Haydn c’est maintenant sa paternité mozartienne qui est mise en doute.
[1] Estampe réalisée en 1764 d’après le portrait de la famille Mozart par Carmontelle. Le portrait original date du premier séjour de Mozart à Paris.
[2] A côté de l’estampe de Carmontelle, un portrait de Léopold Mozart par Pietro Antonio Lorenzoni
[3] Hieronymus Colloredo (1732-1812) que Mozart surnommera « le mufti H.C. » dans certaines de ses lettres.
En fait il faut retenir de Léopold ses compétences pédagogiques. Il publie en 1756 (année de naissance de Wolfgang) un « traité en vue d’une méthode fondamentale pour le violon ». Réputé, diffusé, et traduit dans toute l’Europe ce traité ferait encore autorité aujourd’hui auprès des spécialistes et interprètes du répertoire baroque.
De 1762 à 1773 Léopold a une idée en tête : montrer sa progéniture, sortir de sa province, y augmenter sa réputation et son rang, gagner de l’argent et sans doute vivre un jour grâce à ce fils promis à une grande carrière [4].
Ainsi, il accompagne souvent ses enfants pour montrer leurs talents de virtuoses, organisant dès 1762 (Wolfgang n’a que six ans) des tournées au cours desquelles il exhibe l’enfant prodige un peu comme un montreur d’ours.
De 1763 à 1766 c’est le grand voyage en Europe ; le rythme des voyages s’accélère au risque d’exposer les enfants aux fatigues et aux aléas des maladies [5]...
Puis la famille se déplace dans l’Autriche de l’époque de 1767 à 1769 Vienne, Brno, Olmütz.
Retour à Salzbourg pour un an et départ pour une première grande tournée en Italie de décembre 1769 à mars 1771 suivie de deux autres voyages italiens jusqu’en mars 1773.
Les tableaux suivants résument les grandes étapes de la tournée européenne et des tournées italiennes mais il faut imaginer environ 70 villes traversées ou visitées dans la « tournée européenne », 35 dans les tournées italiennes.
[4] Cf. Ph. Sollers - Mystérieux Mozart.
[5] En 1765 lors du voyage en Hollande, Wolfgang âgé de neuf ans attrape d’abord « un très vilain rhume », sa sœur fait l’objet d’une très grosse bronchite. Dans une lettre du 19 septembre Léopold écrit « la maladie est maintenant notre sort ». Il ne croit pas si bien dire, la bronchite s’aggrave en une congestion pulmonaire et Léopold lui fait administrer les saints sacrements. Puis, Nannerl guérie, c’est au tour de Wolfgang de tomber malade, victime d’une sorte de fièvre typhoïde. A l’âge de 11 ans Wolfgang contractera la variole. A Vienne c’est la panique, Léopold (qui a refusé à Paris la « vaccination » antivariolique de Jenner) ne songe plus qu’à fuir, pour sauvegarder la santé de ses enfants (Cf. un regard médical sur Mozart par le Dr Lucien R. Karhausen et Mozart par Jean & Brigitte Massin).
Bien sûr, le public (enfin un certain public) est là, et s’émerveille des prouesses du petit virtuose. Bien sûr les prestations de Wolfgang, ses concerts, ses joutes pianistiques peuvent rapporter beaucoup d’argent (par exemple 1200 livres pour un concert devant la famille royale[6]). Comme « agent », Léopold calcule méticuleusement la moindre étape du progrès triomphal de ses enfants à travers l’Europe, pesant le coût et le profit vraisemblable de chaque engagement, faisant paraître de judicieux avis dans la presse et tirant parti de toute relation[7]. Mais les voyages à travers l’Europe supposent des dépenses considérables. Le solde n’est donc pas positif et les Mozart sont souvent obligés d’emprunter.
Pendant cette période, les rapports entre Léopold et son fils sont empreints de respect et d’amour. Jusqu’en 1768 la correspondance, essentiellement de Léopold, décrit les activités et les succès de Wolfgang, les événements, les personnages locaux rencontrés. Pendant les campagnes d’Italie (1770-1773), Léopold écrit principalement à Anna Maria son épouse. Apparaissent les premiers écrits de Wolfgang souvent adressés à sa chère sœur « carissima sorella », Marianne qu’il surnomme Nannerl.
Le 13 mars 1773, Wolfgang est de retour à Salzbourg il a 17 ans. « La moitié de sa vie ou presque est derrière lui, son enfance heureuse fait désormais partie du passé, ses pérégrinations sur toutes les routes d’Europe ne seront plus que des souvenirs...
Mis à part un congé estival que Léopold met à profit pour retourner à Vienne avec Wolfgang, et un autre voyage à Munich au cours de l’hiver 1774 pour y représenter « la finta Giardiniera » Wolfgang va désormais rester de 1773 à 1777 (de 17 à 21 ans) à Salzbourg, sous le joug du prince-archevêque Hieronymus Colloredo.[8]
Si, de nos jours Salzbourg est l’épicentre du culte mozartien, tel n’était pas le cas lorsque Wolfgang y revint en 1773. L’ensemble de la société - comme le soutient encore Jean Massin - tend à penser qu’après tout, le jeune Mozart n’est qu’un musicien bien doué parmi tant d’autres... sans plus... C’est également ce que pense Colloredo exaspéré par la publicité du père. Pour le prince-archevêque, il s’agit de mater ce jeune domestique impertinent, prétentieux et indiscipliné qu’il a engagé comme « Konzertmeister » mais dont il n’apprécie vraiment pas la musique, trop germanique à son goût.
Wolfgang y compose notamment ses 5 concertos pour violon et le concerto pour piano n°9 écrit pour Mademoiselle Jeunehomme.
[6] La conversion en euros n’est pas aisée. Certaines sources convertiraient 1200 livres en 18000 euros. Pour avoir une idée plus précise on peut se référer aux salaires annuels : entre 100 et 300 livres/an pour un ouvrier, manœuvre, serviteur / de 300 à 1000 livres/an pour des salaires « professionnels » / un ébéniste peut gagner 400 livres, un curé entre 300 et 500 livres, un professeur débutant au Collège Royal 600 livres... Selon des témoignages 1000 livres par an permet de vivre sans plus. De 1000 à 3000 livres/an on trouve à 1800 livres/an des professeurs d’Université en cours de carrière. Diderot percevait chez le libraire Le Breton un salaire trimestriel de 500 livres, un précepteur de famille princière pouvait gagner entre 2000 et 3000 livres/an.
(Cf. J. Sgard - Dix-Huitième Siècle, Au tournant des Lumières - Edit. Garnier Frères).
[7] Cf. Dictionnaire Mozart sous la direction de H.C. Robbins Landon.
[8] Cf. Jean & Brigitte Massin, - Mozart 1958
Pour Léopold il faut sortir de Salzbourg, reprendre contact avec d’autres milieux musicaux... Il aimerait donc repartir avec Wolfgang... Mais autant Colloredo se satisferait du départ de Wolfgang, autant il refuse tout net à Léopold, malgré ses trois demandes, la possibilité d’accompagner son fils.
Colloredo ne permettra plus aucune absence ! Léopold est consterné, il n’a aucune confiance dans le sens pratique de Wolfgang.
II - Viva la liberta !
Ça y est, le 23 septembre 1977 Wolfgang et sa mère Anna-Maria quittent la maison familiale... A nous Paris ![9]
[9] Ils n’atteindront Paris que le 23 mars 1778.
Nannerl ne fait pas partie de l’expédition. Wolfgang se sent plus libre, plus indépendant, maître de ses actes bien qu’il soit chaperonné par sa mère : « je suis toujours dans ma plus belle humeur. Mon cœur est aussi léger qu’une plume depuis que je suis loin de ces chicanes » écrit-il le 26 septembre. La présence d’Anna-Maria sera moins pesante que celle de son père, il en est sûr. Viva la liberta !
Les rapports entre Mozart et son fils vont se distendre mais pour l’heure c’est encore papa chéri une fois arrivés à Mannheim étape pré-parisienne :
« Papa chéri !
Je ne puis écrire un poème, je ne suis pas poète. Je ne puis disposer mes phrases assez artistement pour qu’elles diffusent tour à tour les ombres et les lumières, je ne suis pas peintre. Je ne puis non plus exprimer mes sentiments et mes pensées par des gestes et par la pantomime, je ne suis pas danseur. Mais je le puis par les sons, je suis Musikus. Ainsi, je jouerai demain au piano, chez Cannabich[10], tout un compliment pour votre fête et votre anniversaire. Pour aujourd’hui, je ne peux que vous souhaiter de tout cœur, mon très cher Père, tout ce que je vous souhaite tous les jours, matin et soir — santé, longue vie et bonne humeur. J’espère aussi que vous avez maintenant moins de désagrément que lorsque j’étais encore à Salzbourg, car il me faut reconnaître que j’en étais la seule cause. On se comportait méchamment avec moi, je ne méritais pas cela. Vous en preniez naturellement votre part - mais pas trop. C’est la raison essentielle et la plus importante pour laquelle je suis parti promptement de Salzbourg. Et j’espère que mon souhait est aujourd’hui satisfait. »
(...) Je vous baise 1000 fois les mains et reste, jusqu’à la mort, mon très cher Père, Votre fils obéissant »,
A quelles chicanes Wolfgang fait-il référence ? Qui se comportait méchamment avec lui ?
Il s’agit bien évidemment de Colloredo. D’ailleurs Léopold explique la situation ainsi :
« Voici cinq ans passés que mon fils sert notre prince pour un traitement de misère, dans l’espoir qu’il ferait peu à peu agréer ses efforts et son savoir accompli, uni à sa très grande diligence et à son zèle jamais en défaut. Mais nous nous sommes trompés. (...) Qu’il me suffise de dire qu’il (Colloredo) n’a mis aucune vergogne à affirmer que mon fils ne sait rien, devrait aller au Conservatoire de Naples pour étudier la musique, et tout cela pour quoi ? pour donner à entendre qu’il ne mérite plus ni salaire, ni reconnaissance... » Cf. Léopold le 22 décembre 1777.
En quittant Salzbourg, Mozart ne fuyait donc pas Léopold mais Colloredo.
A Mannheim c’est l’enchantement, un moment béni. Du point de vue musical, il est fêté partout, pris au sérieux fréquente les salons, on lui commande des œuvres. Il fait la connaissance de Christian Cannabich avec qui Wolfgang loue une chaleureuse amitié, chez qui il dîne régulièrement.
Mais cette indépendance agace Léopold qui trouve que Wolfgang ne sait pas se vendre et qui l’exhorte à se faire valoir davantage : « C’est là devoir et politique. Rien de cela n’est intrigue et fourberie ». Wolfgang n’en a cure. Il est incapable de se faire « mousser ». Devant les ignares ou les amateurs, il éprouve le dégoût de cette réclame tapageuse dont son père l’entoura toute son enfance. A Mannheim, loin de son père, de ses amis et de sa ville, enfin entouré de vrais et excellents musiciens, il sait qu’il n’a pas besoin de trucs de bateleur pour se faire connaître[11].
Mais les relations entre Léopold et Wolfgang, finissent par se tendre. La correspondance entre le père et le fils est révélatrice de l’envenimement de leurs relations ou, pour le moins, d’une incompréhension. Elle relate d’abord les nombreux échecs professionnels de Wolfgang qui semblent donner raison à Léopold. Toutes les tentatives de Wolfgang pour trouver un poste stable ont échoué. A Munich le prince électeur Maximilian III allègue l’absence de poste vacant...A Mannheim, ses tentatives auprès du prince électeur Karl Théodore restent vaines. Malgré son estime pour le jeune musicien, celui-ci n’ose prendre à son service un musicien renvoyé par Colloredo et déjà écarté par Maximilian III.
Léopold s’emporte, gronde, conseille, raisonne. On ne peut le lui reprocher :
« Un voyage n’est pas une plaisanterie. Tu n’as pas encore compris qu’il faut avoir d’autres pensées que des farces de fous (...) Il faut être attentif à prévoir mille choses diverses (...) Quand on n’a pas d’argent, il se trouve qu’on n’a plus aucun ami ; cela quand bien même tu donnerais cent leçons gratuites (...) j’espère que tu réfléchiras toi-même à tout cela ; car sur qui finalement retombent encore tous ces soucis ? Sur ton pauvre père (...) Je te dis tout cela comme cela me vient, du fond du cœur. Tu devras d’abord reconnaître que ce n’est pas une plaisanterie d’entreprendre un tel voyage et de vivre de rentrées financières hasardeuses, (...). Cf. Léopold le 24 novembre 1777.
Par ailleurs, Léopold sent assez vite qu’il est en train de perdre son investissement, sa caisse de retraite :
« Je vous ai consacré à tous deux (ses enfants) chacune de mes heures, dans l’espoir que vous puissiez en son temps non seulement subvenir à vos besoins, mais encore me permettre de passer une vieillesse tranquille... ».[12]
« Il y avait deux buts assignés à ton voyage : trouver un service stable et bien rémunéré ou si cela n’est pas possible te rendre dans un centre important où il y ait beaucoup d’argent à gagner. Dans les deux cas, le but final était à la fois de soutenir tes parents et aider ta sœur à continuer son chemin... ». Cf. Léopold le 12 février 1778.
« Tu dois avant tout penser à tes parents, sinon ton âme ira au diable ! ». Cf. Léopold le 12 février 1778 op. cit.
Et puis, avec 1778 arrive le conflit à propos des Weber.
A Mannheim il y a la famille Weber ou plus exactement Aloysia[13] dont Wolfgang est tombé amoureux. Aloysia « chante remarquablement, sa voix est belle et pure ; elle n’a que quinze ans à peine, il ne lui manque que l’action pour pouvoir être prima donna ». Cf. Wolfgang, 17 janvier 1778.
Wolfgang souhaiterait emmener sa « chère Weberin » en tournée avec lui en Italie ...
La Mère de Wolfgang est inquiète, elle s’estime délaissée et se plaint en secret à son mari :
« Tu auras pu voir que lorsque Wolfgang a fait une nouvelle connaissance, il prend aussitôt feu et flamme pour ces gens... C’est vrai qu’elle chante merveilleusement. Seulement il ne faut pas que du même coup il en oublie son propre intérêt (...) Dès qu’il a connu les Weber, il a aussitôt changé d’avis. En un mot, il aime mieux être avec les autres qu’avec moi ; je lui fais de temps à autre des réflexions sur ce qui ne me convient pas, et il n’aime pas ça. (...) J’écris ceci dans le plus grand secret, pendant qu’il est allé manger, car je ne voudrais pas être surprise. Adieu, je demeure ton épouse fidèle ». Cf. Anna Maria le 4 février 1778.
Léopold est furieux. Dans sa très longue lettre du 12 février (op. cit.), il fait notamment le point sur le projet de Wolfgang avec les Weber : « Ta proposition (je suis à peine capable d’écrire quand j’y pense), ton projet d’entreprendre un voyage avec M. Weber et ses deux filles a failli me rendre fou. Mon cher fils ! Comment peux-tu être séduit, serait-ce même une heure, par une idée aussi absurde qu’on ta mise en tête ? Ta lettre n’est rien d’autre qu’un roman ».
Léopold soupçonne la jeune fille et sa mère d’être intéressées : Wolfgang est célèbre à Mannheim, son soutien peut être important pour sa future carrière. Il n’a peut-être pas tort : devenue célèbre et engagée à Munich, Aloysia finira par épouser l’acteur Joseph Lange[14]. Les époux Weber-Lange et Mozart-Weber resteront malgré tout amis.
A Salzbourg où Wolfgang est revenu au service de Colloredo, rien ne va plus. Le prince-archevêque le hait toujours autant, le traite de crétin, leurs échanges sont à fleuret moucheté. Colloredo finit par le chasser de la cour mais refuse encore sa démission. Wolfgang n’a pas le soutien de Léopold qui courbe l’échine.
« ... Je dois avouer qu’à aucune phrase de votre lettre, je ne reconnais mon père ! – un père certes, mais pas le meilleur, le plus affectueux, le plus soucieux de son honneur et de celui de ses enfants ! En un mot, pas mon père ! (...) je ne puis dites-vous, sauver mon honneur qu’en renonçant à ma résolution ? Comment pouvez-vous donc encore formuler un tel paradoxe ? (...) Si c’est satisfaction que d’être débarrassé d’un prince qui ne vous paie pas et qui vous couillonne[15] à mort, alors oui je suis satisfait (...) Pour vous plaire, mon excellent père, je vous sacrifierais volontiers mon bonheur ma santé et ma vie, mais mon honneur, il est à moi, et il doit être pour nous au-dessus de tout ». Cf. Wolfgang le 19 mai 1781.
Wolfgang prend pension à Vienne, au domicile de la famille Weber[16]. Il va s’attacher Constanze la troisième fille Weber, au grand bonheur de Maria Caecilia sa mère qui a manœuvré pour ce résultat[17], mais au grand dam de Léopold opposé à cette union.
[10] Christian Cannabich (1731-1798) est un compositeur allemand, Kapellmeister chez lequel Mozart partagea en 1977 de nombreux dîners. Il dirigea l’orchestre de Mannheim, réputé pour sa taille (jusqu’à quatre-vingt-quinze musiciens) et la qualité de ses instrumentistes.
[11] Cf. Jean & Brigitte Massin - op. cit.
[12] Cf. Lettre de Léopold du 5 février 1778 (reprise dans Mystérieux Mozart de Ph. Sollers op.cit).
[13] Aloysia Weber (1760-1839) est la seconde fille de Fridolin Weber, copiste, et la sœur de Constance Weber (1762-1842) sa future épouse.
[14] Aloysia était un peu comme Wolfgang l’enfant nourricier de sa famille. Pour obtenir la possibilité d’épouser Aloysia Joseph Lange dut consentir à verser à sa mère, une rente viagère de 700 florins.
[15] Cuionirt dans le texte.
[16] Le bâtiment s’appelle « L’œil de Dieu » (Zum Auge Gottes).
[17] Un peu comme elle a manœuvré pour le mariage d’Aloysia (Cf. note 14). Wolfgang épouse Constanze le 3 août 1782.
Le départ de Wolfgang de Salzbourg, sa ville natale, en 1781 et son mariage avec Constance Weber en 1782 signeront la rupture entre les deux hommes.
On a souvent reproché à Léopold son extrême sévérité, une influence conservatrice. Les historiens et biographes évoquent son caractère autoritaire et borné. La discipline, la foi chrétienne et la morale étaient des valeurs essentielles pour Léopold. N’y-avait-il pas en celui-ci un peu du « Commendatore » ?[18] .
On se plaira à reproduire cet échange entre Léopold et Wolfgang :
« Mon très cher fils !
Je dois te faire mes souhaits pour ta fête... Tu me connais, je ne suis ni un pédant, ni un faux frère, et encore moins un tartuffe. C’est pourquoi tu ne peux refuser une prière à ton père ! La voici : occupe-toi de ton âme ! Ne sois pas pour moi une occasion d’angoisse à l’heure de ma mort. Que je n’aie pas à cet instant difficile à me faire le reproche d’avoir négligé quoi que ce soit dans la préoccupation du salut de ton âme.
... Aime moi comme je t’aime. Je suis ton père affectionné ». Cf. Léopold le 23 octobre 1777.
Ce à quoi Wolfgang répondra avec, comme le suggère Jean Massin[19] , le ton qui lui est habituel de réciter son catéchisme chaque fois qu’il se trouve dans l’obligation de débiter un discours ennuyeux :
« Je remercie très respectueusement Papa pour ses souhaits de fête. Qu’il vive sans inquiétude ! j’ai toujours Dieu devant les yeux. Je reconnais sa toute puissance et je crains sa colère. Je reconnais aussi son amour, sa compassion et sa miséricorde pour ses créatures... Bien sûr, je vais m’efforcer de suivre avec exactitude les recommandations et conseils que vous avez eu la bonté de me donner ». Cf. Wolfgang le 25 octobre 1777.
On serait presque tenté de terminer par un Amen !
Près de 10 ans après cet échange, 5 mois avant la première de Don Giovanni, Léopold s’éteint à Salzbourg[20] .
Plus que Don Giovanni, Wolfgang n’est-il pas plutôt le Papageno de la Flûte Enchantée qu’il aimait tant et dont il fredonnera, la veille de sa mort, l’air - Der Vogelfänger bin ich, ja.
Si Wolfgang doit la vie à Léopold, Léopold lui doit la postérité, en « coachant » son fils Léopold aura réussi à laisser une trace et à gagner une postérité qu’il n’aurait sans doute jamais eue.
Même si la tension entre Wolfgang et Léopold est perceptible dans leurs échanges (surtout entre 1778 et 1782) ces derniers ne sont-ils pas plutôt le résultat d’un conflit de génération et d’une grande incompréhension.
Pour conclure, nous reprendrons de Jean-Victor Hocquard[21] une analyse moins manichéenne des relations entre le père et le fils :
« Non, Léopold n’était pas un tortionnaire en menant Wolfgang à travers le monde... Professionnellement, il a été partagé entre deux devoirs : celui de sa charge (et il était consciencieux) et celui de développer les talents que Dieu à impartis à son fils. Il a encouragé celui-ci à prendre son envol ailleurs qu’à Salzbourg et en même temps a voulu le retenir...
Le conflit entre les deux tempéraments a éclaté par une incompréhension mutuelle. Wolfgang n’avait pas pris l’habitude des initiatives réfléchies et c’est par un coup de tête qu’il rompt avec Colloredo. Et, là-dessus, le voilà qui annonce triomphalement à son père son projet irréversible. Le papa prend très mal la chose et le fils en ressent autant de déception douloureuse que d’irritation. Ils se braquent l’un l’autre. Pour comble, voilà Wolfgang qui épouse une fille Weber [22] !...
La paix entre les deux hommes sera définitive en 1785 quand Léopold viendra à Vienne et adhèrera à la Franc-Maçonnerie
Ceux qui critiquent Léopold devraient bien se souvenir d’une chose, c’est que Wolfgang reconnaissait toute l’étendue de sa dette musicale envers lui. La preuve en est qu’il communiquait toujours une copie de ses œuvres pour lui demander son avis. Mozart donc vénérait son père : aucun événement n’eut dans son cœur de retentissement aussi douloureux que la mort de Léopold le 29 mai 1787 ».
Et puis comme sera doux aux oreilles de Léopold le compliment que Franz Joseph Haydn lui adressera le 12 février 1785 lors d’une séance où furent exécutés en privé, trois des six quatuors qui seront dédiés à Haydn.
« Je dois vous le dire devant Dieu, en honnête homme, votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse, en personne et de nom, il a du goût et en outre la plus grande science de la composition ».
Références Biographiques :
La plupart des textes utilisés ont été repris de :
Jean et Brigitte Massin, Mozart 1958 - CFL.
Philippe Sollers, Mystérieux Mozart 2001 - Plon.
Jean-Victor Hocquard - Mozart 1959 - Ed. du Seuil
Dictionnaire Mozart sous la direction de H.C. Robbins Landon - Ed. JCLattes.
[18] C’est en tous les cas le rapprochement que fait Milos Forman dans son film Amadeus en imaginant que le Commandeur et Don Giovanni sont des doubles de Léopold et de Wolfgang. De fait, l’opéra a été créé le 29 octobre 1787, 5 mois après le décès de Léopold le 28 mai. Dans la scène du film présentant Mozart dirigeant le dernier acte de Don Giovanni, Milos Forman introduit plan fixe d’un tableau représentant un Léopold sévère avant que ne surgisse le Commandeur invité au dîner.
[19] Cf. Jean & Brigitte Massin, - Mozart 1958
[20] Décès de Léopold Mozart le 29 mai 1787 / Création de Don Giovanni à Prague le 29 octobre 1787.
[21] Cf. Jean-Victor Hocquard - Mozart - Ed. du Seuil (1959)
[22] Sans compter l’antériorité du conflit avec la famille Weber